L’art d’augmenter notre compte de taxes

par une sous-évaluation flagrante des revenus

Points saillants

  • Les revenus ont été sous-estimés de près de 26 M$. Est-ce intentionnel? Cela en a toute l’apparence car ces revenus étaient prévisibles. Conséquence : une augmentation indue du taux de taxation.
  • Cette mauvaise estimation pour 2024 entraînera nécessairement la même plus-value pour 2025 puisque ce budget a été préparé en se comparant à celui de 2024 et non aux résultats anticipés pour 2024 qui auraient dû être l’élément de comparaison.
  • Si la Ville veut avoir plus de liquidité pour rembourser sa dette elle n’a qu’à l’annoncer au lieu de jouer au plus fin.
  • Les charges (sans le réseau électrique) ont augmenté de 12 % par rapport à l’exercice précédent alors que l’évaluation foncière imposable n’a augmenté que de 4 %.
  • Le taux d’endettement par 100$ d’évaluation foncière (3.36$ en 2024)) a augmenté de 51 % depuis 2007 alors que les villes comparables affichent dans le cas de Sherbrooke (1.75 $) une diminution de 8 %, dans le cas de Trois-Rivières (2.17 $) une diminution de 43% et une légère augmentation à Lévis (2.46 $) de 3 %.
  • Ne soyons pas naïfs, comment la Ville peut-elle s’enorgueillir d’un changement de culture alors que la situation se dégrade à peu près au même rythme depuis 18 ans?
  • Mais rien n’est surprenant alors que stagnent l’économie, les investissements privés et, par conséquent, la démographie.
  • Ne soyons pas surpris qu’il ne reste plus de liquidités disponibles pour les investissements publics. La ville de Saguenay est une municipalité atypique et dysfonctionnelle. Il faudra plus qu’une meilleure gouvernance pour retrouver notre place à l’échelle provinciale.
C’est la raison pour laquelle je me présente à la mairie : régler le problème structurel de cette ville, se positionner autrement quant au développement économique tout en améliorant nos méthodes de gouvernance de ce territoire.

Ce que la Ville a annoncé

Dans son communiqué publié le 3 juin 2025, l’administration Dufour-Potvin déclare :

« La Ville de Saguenay a dégagé, pour l’année 2024, un surplus budgétaire net de 22,2 millions de dollars… L’excédent de fonctionnement brut de 36,2 millions $ a permis de financer des dépenses en immobilisations à la hauteur de 12,9 millions $, laissant un surplus net de 22,2 millions $, qui représente 5,06 % du budget de fonctionnement pour 2024, »

« Ce résultat positif est la preuve concrète du changement de culture de gestion que nous mettons en place depuis l’adoption de plusieurs politiques financières en 2020 ». Vraiment?

Un excédent réel de 5.8 M$ et non de 36.2 M$

Corrigeons immédiatement l’affirmation qu’il y a un excédent de fonctionnement brut de 36.2 M$. Cet excédent comprend des revenus d’investissements[1] (qui ne sont évidemment pas des revenus imputables au fonctionnement) de 30.4 M$ qu’il faut soustraire et on se retrouve avec un excédent fonctionnement[2] de seulement 5.8 M$ même si on a un surplus budgétaire de 22.2 M$.

Un surplus peut dépendre de revenus plus élevés ou de dépenses moins élevées que prévus au budget ou la combinaison des deux. Regardons tout cela de plus près.

Les revenus

Note : Nous ne commenterons pas les postes de revenus de peu de valeur ou qui ont un écart non significatif par rapport au budget, soit : la tarifi­cation pour les services municipaux, les compensations tenant lieu de taxes, les services rendus, les amendes et pénalités.

  • Taxes foncières – Une sous-estimation de 7,8 M$ mais qui était prévisible.

On constate, par rapport au budget, un écart positif de 7,8 M$ (budget de 253.4 M$ contre un réel de 261.2 M$).  Cet écart était-il prévisible? OUI.

En effet, en 2023, les revenus de taxes foncières avaient été de 239.3 M$. Selon le budget pour 2024, l’augmentation des taxes fut de 5.78%, ce qui donne 253.1 M$ soit une augmentation de 13.8 M$ auquel il faut ajouter les taxes additionnelles pour les rénovations et les nouvelles constructions. Si on se base sur les résultats de l’année 2022 où il y a eu un gel de taxes on constate tout de même une augmentation de 7.2 M$, ce qui au total donne une augmentation prévisible de 21 M$. La prévision aurait donc dû être de 260.1 M$, soit à toute fins, le montant réel observé pour 2024.

Alors pourquoi avoir utilisé 253.4 M$?  

  • Impositions de droits – Une sous-estimation d’au moins 6,6 M$ prévisible.

On a prévu des revenus de 6.6 M$ alors que 2024 a généré des revenus de 12.8 M$. Cet écart était-il prévisible? OUI.

En 2021 et 2022 les revenus ont été de 11 M$ et en 2023 de 12.1 M$. Alors pourquoi avoir prévu seulement 6.6 M$?

  • Revenus de placements, autres revenus d’intérêts et autres revenus- Une sous-estimation de 3 M$ prévisible

Ces postes de revenus totalisent un budget de 11.1 M$ alors que les revenus réels ont été de 19.4 M$. Cet écart était-il prévisible? OUI.

En 2023 ces revenus ont totalisé 24 M$. Pourquoi avoir diminué les prévisions à 11.1 M$ pour 2024?

  • Transferts – Une sous-estimation de 2,9 M$ prévisible

Les transferts sont de trois ordres, soit :

  • Les transferts relatifs au fonctionnement
  • Les transferts relatifs aux investissements
  • Les transferts de droits

Les revenus provenant des transferts relatifs aux investissements ne doivent pas être considérés puis qu’ils n’affectent pas les résultats de fonctionnement qui sont ceux à considérer pour évaluer la viabilité de cette Ville.

Les transferts de droits sont prévisibles ou ne varient pas beaucoup d’une année à l’autre. Soulignons toutefois « un oubli » de 2.9 M$ pour les contributions des automobilistes pour le transport en commun puisque le budget de la Ville ne tient pas compte des résultats financiers de ses organismes périmunicipaux soit le Conseil des arts de Saguenay, Promotion Saguenay Inc. et la Société de transport du Saguenay. Elle ne tient compte que de l’aide financière qu’elle leur apporte.

Nous nous contenterons donc d’analyser les transferts relatifs au fonctionnement qui proviennent en grande majorité du Provincial tant dans le domaine du transport en commun que pour les réseaux d’égout et d’eau potable.

Généralement, ces transferts sont utilisés pour réaliser des activités qui s’ajoutent à celles normalement effectuées et ainsi, malgré une sous-estimation importante de 28 M$ pour 2024, ces transferts n’affectent pas beaucoup les résultats puisqu’ils compensent pour des charges additionnelles. Il en fut ainsi pour le logement social (6.7 M$), pour la rénovation urbaine (12.0 M$), pour l’approvisionnement et le traitement de l’eau potable (4.6 M$) et pour le transport collectif (4.8 M$) qui totalisent des revenus de transferts de 28.1 M$.

Une sous-estimation totale de 25.6 M$

On a donc sous-estimé les revenus de 25.6 M$. Puisque la richesse foncière imposable est de 17,906,618,103 $, ces revenus correspondent à imposer une taxe supplémentaire de 0.14 $ par 100$ d’évaluation. Est-ce par incompétence ou intentionnellement? Je ne crois pas que ce puisse être par incompétence.  Nous savons tous qu’il faut diminuer nos dépenses et diminuer notre endettement. Pourquoi alors ne pas avoir été transparent et avoir informé les contribuables qu’il fallait imposer une taxe supplémentaire pour diminuer notre endettement. Mais ce qui est le plus frustrant c’est que ce 25.6 M$ de revenus additionnels n’ait généré qu’un surplus de fonctionnement avant ajustement à des fins fiscales que de 5.8 M$[3].

Où sont passés les 20 M$?

Ils n’existaient tout simplement pas puisque la Ville utilise toujours le surplus après ajustement à des fins fiscales qui lui permet, entre autres, de soustraire les amortissements de 83.7 M$ pour les remplacer par le remboursement de la dette qui se chiffre à seulement 58.5 M$. Puisque l’amortissement est une charge comptable qui ne demande pas de sortie d’argent on doit donc parler d’un surplus de liquidité et non d’un surplus au niveau des résultats financiers. Si les entreprises utilisaient le même stratagème elles seraient rapidement en faillite.

Un endettement incontrôlable et un taux d’endettement renversant

On se retrouve tout de même avec un endettement total net supplémentaire de 48 M$. Comme le démontre le tableau ci-dessous, nous demeurons donc les champions de l’endettement par 100$ d’évaluation à 3.36 $/100$ alors que Lévis est à 2.46$, Trois-Rivières est à 2.17$ et Sherbrooke à 1.75$, ce que démontre le tableau ci-dessous. Pire, notre ratio a augmenté de 51.3 % depuis 2007 alors que les trois autres villes affichent des variations qui vont de +3.0 % à – 19 %. Les déficits actuariels et les dettes payées indirectement pour certaines organisations n’y sont pas inclus. Pour 2024, à Saguenay, ceci représente un montant additionnel de plus de 50 M$. Ce genre de dettes est négligeable dans les autres villes.

Un taux de charges de fonctionnement supérieur à celui des villes cibles

Ce n’est pas pour rien que Saguenay affiche le taux de charges par 100$ d’évaluation (charges du réseau électrique non inclus) le plus élevés parmi ces villes :

Ville
Taux de charges par 100$ évaluation
%
de variation
 

2009

2024

Saguenay

2.57 $

2.55 $

– 00.80 %

Trois-Rivières

2.88 $

2.12 $

– 26.53 %

Sherbrooke

2.17 $

1.70 $

– 21.28 %

Lévis

1.97 $

1.61 $

– 18.26 %

Cela ne date pas d’hier lorsqu’on regarde le tableau ci-dessous. Depuis 2009[4] Saguenay n’a amélioré son taux de charges de moins de 1 % alors que les autres villes affichent des diminutions importantes de 18% à 27 %. La ville de Trois-Rivières qui avait la pire situation financière au moment de la fusion a réussi, en 2024, à abaisser son taux de charges sous celui de Saguenay.

-30-

Jacques Pelletier

Ex-ingénieur et administrateur et candidat à la mairie de Saguenay

[1] Rapport financier 2024, page 45, ligne 2

[2] Idem, ligne 3

[3] Rapport financier, Saguenay, 2024, page 45, ligne 3.

[4] La présentation des résultats financiers était différente pour 2007 et 2008, donc inutilisables.

Un commentaire sur “Rapport financier 2024 de Ville de Saguenay”

  • Il faut absolument que les citoyens sachent que Ville de Saguenay est dans une situation financière précaire, nous sommes actuellement à 4 mois des élections et les dirigeants de ville de Saguenay ne vous diront tout simplement pas que cela ne vas pas bien dans cette ville. Il passent leur temps à se chicaner, les seuls qui font de l’argent actuellement, ce sont les avocats, il y a très peu de projets économiques qui sont acceptés depuis plusieurs années, (projet charcuté comme par exemple Agriméthane pour une raison politique). Il y a des organismes sans but lucratif qui prennent des décisions à la place de la ville, en gros, cela va pendre un gros redressement au niveau de la ville et ce changement devra se faire au prochaine élection.

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