La vallée de l’aluminium, un mythe
Des solutions pour allier rentabilité et emplois?
Oui, d’une part, une entreprise doit demeurer compétitive. Oui, une entreprise doit être à l’affût et développer des technologies ou des modes de gestions qui amélioreront sa productivité. Oui, une entreprise doit le faire malgré qu’elle puisse engendrer des pertes d’emplois. Mais doit-on se plier aux nouvelles exigences de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), dont les seuls membres sont Alcoa, Alouette et Rio Tinto, de ne plus lier la création d’emplois à la création de richesse?
Oui, d’autre part, les gouvernements fédéral et provincial peuvent exiger des garanties lorsqu’il s’agit d’accorder des subventions, des prêts, des tarifs d’électricité très avantageux, à une entreprise productrice d’aluminium primaire qui veut s’installer au Québec ou qui veut continuer à opérer au Québec. Mais la création d’emplois peut-elle être encore une exigence? Certainement, mais de quelle manière?
Par exemple, par l’implantation d’une aluminerie d’un million de tonnes par année ou par l’implantation d’industries de transformation secondaire et même tertiaire.
Cela étant dit, pourquoi Rio Tinto, la seule entreprise qui œuvre dans la production de l’aluminium primaire dans la région, ne le fait pas? Au contraire et c’est très bizarre, au lieu de tirer avantage des technologies de production qu’elle développe (AP60, ELYSIS), elle s’empresse de les vendre à tous vents. Connaissez-vous une pharmaceutique qui agirait de la sorte?
Mais qui est Rio Tinto? Consultons son site Web.
« Nous produisons du minerai de fer pour l’acier, de l’aluminium pour les automobiles, du cuivre pour les éoliennes, des diamants qui sont une référence en matière de responsabilité, du titane pour les produits ménagers, ainsi que des borates pour les cultures».
Dans le secteur aluminium, Rio Tinto extrait de la bauxite, produit de l’alumine et, c’est ce qui nous intéresse, sa production annuelle d’aluminium primaire est de 3 000 000 TM dont la moitié provient du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Le chiffre d’affaires[1] de RIO TINTO PLC a augmenté de 3,35 % pour l’année fiscale 2020 par rapport à l’année fiscale 2019, pour atteindre 44,61G. Le bénéfice net a augmenté de 21,96 % pour atteindre 9,77G. On y rapporte que les investissements en cours ou prévus sont de 4 MM$ pour le minerai de fer (Australie), 9 MM$ pour le cuivre, principalement en Mongolie, 600 M$ dans l’aluminium à Kitimat, pour augmenter la capacité de leur barrage hydroélectrique, et rien au Saguenay sauf quelques millions $ pour le centre de recherche ELYSIS. Le secteur de l’aluminium ne pèse pas lourd dans la balance.
On peut donc constater que Rio Tinto est avant tout une minière et raisonne comme telle: elle exploite des centrales hydroélectriques pour extraire l’aluminium de l’alumine. Par la suite, sa mission est remplie et elle vend son aluminium à toutes les compagnies qui transforment l’aluminium primaire en produits secondaires.
Depuis l’achat d’Alcan en 2007, Rio Tinto n’a bonifié d’aucune façon le produit intérieur brut, PIB, de la région et a été un responsable majeur de la baisse de la richesse foncière de la ville de Saguenay.
Si Rio Tinto n’a rien à offrir en échange de l’utilisation à bas prix de notre ressource naturelle qu’est l’énergie hydraulique, qu’elle laisse la place à d’autres entreprises. Pourquoi Rio Tinto a-t-elle acheté à fort prix Alcan si le potentiel de développement était nul? Ses alumineries devraient être des leviers économiques importants. Pourtant on continue de voir le train passer en exportant l’aluminium primaire alors que le gros de l’ouvrage est fait et que sa transformation en produits secondaires demande très peu d’énergie. Malgré les pertes d’emplois actuelles, ce secteur de l’économie demeure encore névralgique. Nous sommes pris en otage et il n’y a que les gouvernements supérieurs qui peuvent agir dans ce dossier. Nationalisation? Appel d’offre mondial? Le pire serait de plier devant leurs exigences sans solution de rechange.
[1] https://www.riotinto.com/-/media/Content/Documents/Invest/Reports/Annual-reports/RT-Annual-report-2020