Faire le ménage! Est-ce vraiment possible?

Le portrait est accablant : trois principaux noyaux urbains noyés dans une mer rurale et forestière. Une population vieillissante[1] dans une ville dont l’économie est stagnante[2]. Un tissu industriel presque à l’agonie ne survivant que grâce aux entrepreneurs régionaux.

Alors pourquoi se démarque-t-on autant des autres villes? On constate que la ville de Gatineau, dont le périmètre est relativement restreint (380 km2) avec une population qui est le double de celle de Saguenay, a opté pour un corridor de 50km de longueur et de moins de 8 km de largeur en évitant de fusionner les municipalités limitrophes de 2 900 à 6 600 habitants, telles l’Ange-Gardien[3], Val-des-Monts, Chelsea ou Cantley. Quant à Sherbrooke, après sa fusion avec les municipalités de Rock Forest (18 664), Lennoxville (4 961), Fleurimont (17 178), Bromptonville (5 910), Ascot (7 063) et Deauville (2 864), elle demeurait de dimension humaine convenable, soit 400 km2 (20 km x 20 km).

Qui a poussé nos dirigeants provinciaux et municipaux à inclure les municipalités de Shipshaw (2 938 h), Canton Tremblay Sud (1 952 h.), Laterrière (5 107 h) et Lac-Kénogami (1 499 h.)? A-t-on voulu éliminer le danger d’un déplacement de la population vers ces municipalités qui offrent des plus grands terrains à un moindre coût et des taxes enviables? Si c’est le cas, c’est raté: les municipalités de la MRC du Fjord[4] autour de Saguenay ont vu leur population augmenter de 11,6 % entre 2001 et 2019 alors que celle de Saguenay a diminué de 2,0%. Autrement dit, un déplacement de plus de 2 000 personnes vers l’extérieur de la ville.

D’accord, on s’est payé un véritable paradis de verdure. Mais en a-t-on les moyens? Est-ce la mission d’une municipalité urbaine de gérer et de financer des zones en majorité agricoles, forestières et de villégiature. N’aurait-il pas été plus normal de laisser ces municipalités intégrer la MRC du Fjord-du-Saguenay, formée des 13 autres municipalités en périphérie de Saguenay. Cet apport de près de 12 000 citoyens auraient été un baume pour cette MRC qui en compte seulement 21 000 sur un territoire de 43 000 km2, auquel on aurait même pu ajouter une grande partie du territoire agricole de Jonquière, Chicoutimi et La Baie. Est-il trop tard pour corriger cette anomalie?

La révision du schéma d’aménagement est le moment idéal pour tout remettre en question. Sinon, qui pourra le faire? Les élus parviendront-ils à une restructuration logique des affectations du territoire? Les gestes de l’ancienne administration (2001-2017) ne faisaient que confirmer sa volonté de poursuivre un développement économique sur une base compétitive entre les secteurs et les arrondissements : des offices de tourisme dans tous les arrondissements, le même budget alloué, dans chaque arrondissement, pour la rénovation des salles de spectacles[5], le maintien et le développement de six centres villes, l’ouverture d’un secteur commercial à Jonquière pour concurrencer[6] celui du Boulevard Talbot. Jusqu’à maintenant, on n’a pas encore perçu, depuis 2002, quelque changement que ce soit au tissu urbain qui pourrait nous laisser croire qu’on veut compter sur nos points forts et notre complémentarité pour dynamiser cette ville. Tous les secteurs veulent être des clones.

Si on considère qu’on ne peut revenir en arrière et qu’on se doit de gérer intégralement cette ville malgré le poids économique que cela représente, on peut tout de même circonscrire la principale problématique d’affectation du territoire en se focalisant sur la vocation des trois principales agglomérations urbaines que sont Jonquière (incluant naturellement Arvida et Kénogami), Chicoutimi et La Baie.

Jonquière, Arvida et Kénogami ont un caractère industriel indéniable et on devrait orienter tout projet industriel d’une certaine importance vers ces secteurs. Malgré son historique industriel, La Baie est avant tout la principale voie d’entrée maritime et aérienne de la région du Saguenay. Naturellement tout projet industriel qui tire un net avantage d’être à proximité des ports ou de l’aéroport devrait être orienté vers ceux-ci. Chicoutimi a développé, depuis plus de 175 ans, sa vocation régionale dans les domaines institutionnels, commerciaux et des services.

Tout comme à Gatineau ou Lévis, cela n’empêche pas l’implantation de centres commerciaux à d’autres endroits stratégiques, ni d’investir dans le domaine communautaire et culturel dans tous les secteurs de la ville mais en leur donnant une vocation spécifique. Le caractère villégiature de Laterrière et de Lac-Kénogami devrait être particulièrement conservé.

Ces suggestions peuvent-elles être appropriées

pour préciser la vision de la ville de demain?

Jacques Pelletier

 

 

[1] SADR, Les principes directeurs, page 2-5, 2e paragraphe

[2] SADR, Évolution du PIB, figure 1-18, page 1-33

[3] Toutes ces données proviennent du Décret de population de 2001

[4] Le bilan démographique du Québec, Institut de la Statistique, édition 2016, 2001 à 2016, p 156  et  édition 2020,   2016 à 2019, Page 167

[5] Jacques Pelletier, Saguenay sous l’administration Tremblay, page 163

[6] Carol Néron, 3 avril 2002, Le Quotidien, « En matière de développements commerciaux majeurs, l’arrondissement de Jonquière est appelé à succéder éventuellement à celui de Chicoutimi au sein de la grande ville fusionnée du Haut-Saguenay ».

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