Saguenay, ville surdimensionnée

Il nous faut remettre en question la structure de cette ville

Peu densément peuplée, dispersée et divisée, Ville de Saguenay ne génère pas assez de revenus pour remplir ses obligations.  Nous sommes à la croisée des chemins. Il est temps d’enlever nos lunettes roses. On stagne, ce qui signifie qu’on régresse par rapport aux autres agglomérations au Québec.

Contexte 

Parmi les villes comparables, notons que la Ville de Sherbrooke a connu un développement impressionnant depuis 2003, passant de 141 920 habitants à 184 667 en 2025 soit une augmentation de 42 747 habitants. Lévis suit avec une augmentation de 33 808 habitants. Vient ensuite Trois-Rivières avec une augmentation de 22 486 habitants. Saguenay ferme la marche avec une maigre augmentation de 1 118 habitants[1].

Constat

Cet écart démographique est le reflet d’un manque flagrant de développement économique. À sa formation, Saguenay avait la plus grande richesse foncière parmi les villes mentionnées précédemment alors que maintenant elle est en queue de peloton[2]. Lorsqu’on sait que les revenus municipaux dépendent aux deux tiers de la taxe foncière, on comprend qu’une ville qui stagne à ce titre ne peut qu’être en difficulté financière.

Pourtant Saguenay a englouti 150 M$ dans Promotion Saguenay[3] sans qu’on enregistre des retombées le moindrement perceptibles dans les coffres de la Ville. Saguenay a mis sur sa carte de crédit (dette à long terme) plus de 150 M$ de charges de fonctionnement[4]. Depuis 2008, elle n’a pas réussi à renflouer ses fonds de pensions dont le déficit actuariel est encore de près de 51 M$[5]. Son endettement total net à long terme, qui était de 600 M$ à la fin de 2023, approchera les 900 M$, en 2027, puisque la majorité des élus s’entête à respecter le plan triennal d’investissements[6]. Tout ceci démontre son incapacité à générer des revenus suffisants pour rencontrer ses obligations. 

Un problème structurel, conséquence d’une mauvaise décision politique

Ne cherchez pas plus longtemps les causes de cet échec. Certains diront que notre malheur provient d’une gouvernance déficiente axée sur le populisme. C’est vrai mais pas seulement. Il y a eu pire. En 2002 on a créé un regroupement qui ne possède aucun des critères qui définit une ville. Pour s’enorgueillir d’avoir une ville de plus de 150 000 habitants, on a fusionné 4 municipalités rurales et une ville à plus de 8 km des deux villes les plus importantes que sont Chicoutimi et Jonquière. On a formé une ville dont 13 % seulement du territoire est urbain. Pendant que la population de Chicoutimi se laissait berner par un rapport commandé par le maire de la ville, on est allé à l’encontre des élus et de la population de Jonquière et de La Baie qui ne voulaient rien savoir de ce type de regroupement à tel point que Mme Harel, ministre des Affaires municipales, a dû imposer la fusion par un décret[7], geste des plus antidémocratiques. Pour justifier cette fusion auprès de Mme Harel, on a donc produit un rapport politique qui n’a aucunement tenu compte des spécificités des trois villes principales qui s’étaient, jusqu’à maintenant, développées séparément. Jonquière ou La Baie n’étaient pas une extension de Chicoutimi. Chacune d’elles se complétaient.  Pour s’en convaincre, il s’agit de lire les propos de Louis-Marie Bouchard, docteur en géographie[8]. En somme une conurbation qui aurait parfaitement fonctionnée avec une communauté urbaine formée de ces trois villes indépendantes qui se seraient dotées de services communs.

Saguenay s’identifie parfaitement au constat d’échec des spécialistes qui ont analysé les fusions municipales au Québec, en Ontario et dans plusieurs pays européens : « les fusions n’ont pas donné les résultats escomptés[9] ». J’ajouterais, que parmi celles-ci Saguenay est probablement une des pires, sinon la pire. Le fait d’être trois fois plus grande que toute autre ville de plus de 100 000 habitants au Québec et aussi que la plupart de celles dans les autres provinces, n’est pas étranger à ce constat. Sauf trois exceptions[10] (des municipalités à caractère régional) la Ville de Saguenay avec 124 hab./km2 se classe bonne dernière, et de loin, sur les 65 villes les plus populeuses au Canada, la médiane étant à 1 170 hab./km2 et la moyenne à 748 hab./Km2. Que de responsabilité pour si peu de personnes!

Vivre ensemble autrement

Ce serait de l’aveuglement volontaire de vouloir persister à pérenniser cette fusion. Le gouvernement a pris une mauvaise décision en 2001 et il doit y remédier. Il est temps de se tourner vers un « vivre ensemble autrement ».

Pour ma part, à titre de candidat à la mairie de Saguenay, en plus de promouvoir la création d’une corporation régionale indépendante de développement économique, d’améliorer la gouvernance de cette agglomération sous tous ses rapports, je formerai ou je demanderai au ministère des Affaires municipales de former une commission qui se penchera sur la création d’une communauté urbaine pour nous sortir du carcan actuel qui étouffe nos initiatives, notre identité et notre indépendance de mouvements.

Qui est prêt à relever le défi qui s’annonce? Je le suis.

[1] Source : décret annuel de population dans la Gazette officielle du Québec

Pop. en 2003 : Sherbrooke (141920), Lévis (125241), Saguenay (150854), Trois-Rivières (125983)

Pop. en 2025 : Sherbrooke (184667), Lévis (159049), Saguenay (151972), Trois-Rivières (148469).

[2] Voir : L’endettement de la ville ou la descente aux enfers – Jacques Pelletier (indicateurs financiers)

[3] Voir : Plus de 150 M$ en subventions pour le fonctionnement de Promotion Saguenay – Jacques Pelletier

[4] Voir : Fusion 2002, tableau 8 – La récurrence des déficits de fonctionnement – Jacques Pelletier

[5] Rapport financier 2023 de Ville de Saguenay, Passif au titre des avantages sociaux futurs, page 6

[6] Voir : 2025_Saguenay_plan_triennal_a_reviser.pdf

[7] Décret 150-2001concernant l’autorisation donnée à la ministre des Affaires municipales d’exiger la présentation d’une demande commune de regroupement… Concrétisé le 7 mars 2001 par lettre recommandée à chacun des 7 maires des municipalités concernées.

[8] Louis-Marie Bouchard, docteur en géographie et professeur à l’UQAC, « Les villes du Saguenay » 1973, Leméac. Ce livre a été publié l’année des premières fusions dans le Haut-Saguenay. Voici un extrait de ce qu’il écrit dans son introduction et reproduit au verso du livre, en parlant des villes de Chicoutimi-Jonquière-Kénogami-Arvida-Bagotville-Port-Alfred :

« Ce sont peut-être là six villes autonomes, ayant eu une origine différente mais qui, à un moment donné, ont accentué leurs relations, ont établi des liens étroits d’interdépendance et sont parvenues aujourd’hui à constituer un tout organique qui n’empêche pas chacune d’elles de garder son identité. On pourrait alors parler de conurbation. C’est là l’hypothèse adoptée dans cet ouvrage. »

[9] Jean-Philippe Moreau et al., Les fusions institutionnelles, 2020RP13, page 34.

[10] Voir Tableau des principales villes au Canada Villes du Canada par population — Wikipédia

2 réponses pour “Saguenay, un problème structurel”

  • La défusion est la meilleure option qui puisse être envisagée. Que chaque ville reprenne sa personnalité. Chacun des habitants est malheureux d’avoir perdu son statut et sa fierté d’être ce qu’il est.

    Merci M. Jacques Pelletier pour votre engagement.

    • Madame Bouchard,
      Il faut que ce message circule. Une communauté urbaine est le meilleur des mondes puisque chacun reprend le contrôle de ses finances tout en partageant des services communs qui ne créent d’« irritation » et de tiraillements entre les partenaires. Je vous invite donc à véhiculer cette option dans votre milieu et sur les réseaux sociaux. Plus il y aura de personnes qui interviennent plus l’option sera connue.

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