Depuis le début de la traite des fourrures, Tadoussac était le poste de traite le plus important en Nouvelle-France. « Bon an, mal an, on échangeait de 15 000 à 20 000 peaux de castors et jusqu’à 2500 peaux d’orignaux ». Depuis 1674, le territoire du Saguenay devient le « Domaine royal », affermé par un dénommé Jean Oudiette, riche marchand de Paris, qui forme aussitôt une compagnie et y nomme, comme procureur, un marchand de Québec, expérimenté dans ce genre de commerce, le sieur Charles Bazire (une rue porte son nom à Chicoutimi). Ce dernier décida rapidement de s’établir à Chicoutimi et à Métabetchouan, constatant « que pour réussir il fallait abandonner le poste de Tadoussac, où les Indiens ne se rendaient plus ».
Poste de traite et mission catholique, extrait d’une carte de la Marine française «Le cours du Saguenay depuis son entrée jusqu’à la rivière de Chékoutimi, 1748, BNF
Après les autochtones qui occupaient cette région depuis des millénaires, voici que les Européens choisissent, à leur tour, ce lieu remarquable pour établir, dans la région du Saguenay, les premiers établissements de commerce et d’évangélisation.
Ainsi fut créé, le 24 juin 1676, le poste de traite de Chicoutimi. Voici ce que nous raconte l’historien Lorenzo Angers: « Nicolas Juchereau de Saint-Denis jetait l’ancre de son navire, la Sainte-Catherine, dans le bassin de la rivière Chicoutimi ». Il était accompagné de Pierre Bécard (une rue porte son nom à Chicoutimi) de Grandville. Sur la rive ouest, il y fit « ériger une chapelle de 30 pieds avec appartement pour un Père et une petite sacristie, ainsi qu’une maison à usage de magasin. » Le site n’était pas vierge puisque les Amérindiens l’utilisaient et qu’il y avait déjà une maison de bâtie qui devint la résidence pour le commis. Dès la fin de la construction, écrit le Père de Crespieul (une rue porte son nom à Chicoutimi), « les sauvages abordèrent de toutes parts à Cheg8timy et en peu de jours composèrent 13 cabanes. »
« Le Sieur Charles Bazire avait vu juste en choisissant Chicoutimi comme poste central, puisqu’au printemps de 1677, plus de 400 chasseurs y vinrent pour échanger leurs pelleteries. Chicoutimi entrait définitivement dans l’histoire », commente l’historien Lorenzo Angers.
Ce poste de traite et cette mission catholique perdurèrent jusqu’en 1856, soit 18 ans après l’arrivée des premiers colons sur les rives du Saguenay. Pourquoi donc ceux qui ont célébré le 11 juin dernier le 183e anniversaire de la région éradiquent-ils plus de 162 ans de notre histoire et la place que Chicoutimi y occupait déjà? Il est temps de remettre les pendules à l’heure. L’arrivée des premiers colons est une étape de notre histoire, elle doit être soulignée mais elle ne peut être la date anniversaire de cette région sans être l’instrument d’un assassinat de notre mémoire collective.
On devrait une fois pour toutes arrêter de parler d’anniversaire de la fondation de la région mais de l’anniversaire d’événements qui se sont produits au fil des siècles : la formation géologique de la région, la formation du fjord, l’arrivée des premiers autochtones, l’érection du poste de traite et de la mission catholique, l’arrivée des premiers colons-bucherons, etc.
Cela résoudrait le problème.
Pour en savoir davantage, lire le livre « Le toponyme Chicoutimi, une histoire inachevée ».
Extrait d’une carte de la Marine française « Le cours du Saguenay depuis son entrée jusqu’à la rivière de Chékoutimi », 1748, BNF.