Capsule historique

On a fêté en grand, en 2008, le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec [1]par Samuel de Champlain.  Des festivités hors du commun ont perduré toute l’année. Cet événement remarquable pour la ville de Québec se devait d’être si bien souligné.

Comment tout cela a-t-il commencé? Je vous invite à lire l’histoire populaire du Québec de Jacques Lacoursière[2]. La colonisation de Québec ne fut pas une affaire facile comme le fait remarquer Lacoursière : « Pendant plusieurs années, Québec ne sera qu’un petit poste de traite où séjournent quelques (sic) dizaines d’hommes[3]. » Sauf Louis Hébert et quelques autres colons, « il faudra attendre une quarantaine d’années avant que de forts contingents de nouveaux colons atteignent Québec ». 

D’ailleurs, c’est au cours de son voyage, en 1603, à titre d’observateur, que Champlain avait identifié Québec comme « l’endroit idéal, tant pour un établissement que pour y faire la traite des fourrures ». C’est donc là où se rend Champlain à son 2e voyage. « 3 juillet 1608, Samuel de Champlain remonte le fleuve Saint-Laurent en compagnie de 26 engagés – bûcherons, charpentiers et laboureurs. Mandaté par Pierre Dugua de Mons, qui détient un monopole de commerce des fourrures, Champlain vient pour établir un comptoir de traite[4] ». « La plupart s’engagent (sic) à aller demeurer et à habiter au pays de Nouvelle-France … durant le temps et espace de deux ans entiers[5] ». Connaissez-vous des « colons » qui vont s’échiner à défricher et labourer la terre pendant deux ans en sachant qu’ils vont ensuite repartir?

On connaît la suite, Québec est maintenant la capitale nationale.

Soixante-huit ans plus tard, en juin 1676, un événement similaire se produit à quelque deux cents kilomètres plus au nord.  

Depuis le début de la traite des fourrures[6], Tadoussac est le poste de traite le plus important en Nouvelle-France. Depuis 1674, le territoire[7] du Saguenay devient le Domaine royal, affermé par un dénommé Jean Oudiette, riche marchand de Paris, qui forme aussitôt une compagnie et y nomme, comme procureur, un marchand de Québec, expérimenté dans ce genre de commerce, le sieur Charles Bazire. Ce dernier, tout comme Champlain l’a fait pour Québec, décida rapidement de s’établir à Chicoutimi et à Métabetchouan, constatant « que pour réussir il fallait[8] abandonner le poste de Tadoussac, où les Indiens ne se rendaient plus ».

Poste de traite de Chicoutimi 1676-1856Dès au moins le 10 juin 1676[9], « Nicolas Juchereau[10] de Saint-Denis jetait l’ancre de son navire, la Sainte-Catherine, dans le bassin de la rivière Chicoutimi ». Il était accompagné de Pierre Bécard de Grandville, du maître-charpentier Jean Langlois, des bûcherons Jean Caron et Jean Grondin, des menuisiers Louis et Olivier Gagné[11]. On peut aussi ajouter[12] Paul de la Ferté de Maur, Pierre de la Vallée, Carol Cadieu et Joseph Guion du Buisson. À partir du 24 juin, sur la rive ouest, il y fit « ériger une chapelle de 30 pieds avec appartement pour un Père et une petite sacristie, ainsi qu’une maison à usage de magasin. » Le site n’était pas vierge puisque les Amérindiens l’utilisaient et qu’il y avait déjà une maison de bâtie qui devint la résidence pour le commis. Dès la fin de la construction, écrit le Père de Crespieul, « les sauvages abordèrent de toutes parts à Cheg8timy et en peu de jours composèrent 13 cabanes. » Ci-contre, carte de la Marine français produite en 1748. 

À leur tour les Européens, longtemps après les Amérindiens, choisirent donc ce lieu remarquable pour établir, dans la région du Saguenay, les premiers établissements de commerce et d’évangélisation[13].

Bon d’accord, Chicoutimi n’est demeuré, pour diverses raisons, qu’un poste de traite et une mission catholique beaucoup plus longtemps que Québec. Cela n’empêche que lorsqu’on parle de la fondation d’une agglomération, la date qu’on choisit est la date de la première occupation permanente, que ce soit par l’érection d’un poste de traite tel Trois-Rivières ou d’un fort tel Détroit.

On connaît la suite, Chicoutimi est devenue la capitale régionale.

En conséquence, pourquoi est-on si tiède pour admettre que la fondation (lire occupation française) de Chicoutimi remonte à juin 1676, soit le 24 juin, si on se base sur le début des constructions, soit dès le 10 juin, si on estime plutôt que, comme à Québec, le navire est arrivé au Bassin à cette date. L’année 1671 où « on baty une maison à Cheg8timy[14] » ne peut être retenue puisqu’il n’y a pas eu d’occupation permanente de celle-ci avant 1676. Mais tout est discutable.

Espérons que la date effective à laquelle cet événement s’est produit sera confirmée avant le début des fêtes du 350e en 2026.

[1] Source de la bannière :  Une nouvelle rubrique sur le 400e anniversaire de Québec : QUÉBEC 2008 histoire et mémoires communes (cfqlmc.org)

[2] Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec, Tome 1 de 5, Des origines à 1791, Septentrion, 1995.

[3] Idem, Tome 1, page 45

[4] Québec, nouvelle terre française (1608-1755) (quebec.qc.ca)

[5] Jacques Lacoursière, page 42

[6] Victor Tremblay, Histoire du Saguenay depuis les origines jusqu’à 1870, La Librairie régionale Inc. 1984, p. 117

[7] Ibidem, page 149

[8] Ibidem p. 150

[9] Le second registre de Tadoussac nous renseigne que le 10 juin le père Crespieul célébrait, à Chicoutimi, un baptême et Pierre Bécard de Grandville y agissait comme témoin, ce qui prouve que le navire était déjà sur place, au Bassin. La date de l’arrivée du navire est peut-être antérieur au 10 juin.

[10] Lorenzo Angers, Chicoutimi, Poste de traite, 1676-1856, Les éditions Leméac, 1971. p. 14

[11] Ibidem, Page 15

[12] Second registre de Tadoussac, transcription Léonidas Larouche, Témoins à des mariages, 12 juin et 17 juillet 1676, page 84. Ces personnes ne pouvaient faire autrement que d’être du même voyage. Il se peut aussi que certaines personnes ont été nommées différemment.

[13] Jacques Pelletier, Le toponyme Chicoutimi, une histoire inachevée, Éditions Ichkotimi, 2016, page 199

[14] Le second registre de Tadoussac, Transcription, Léonidas Larouche, page 152

 

3 réponses pour “La fondation de Québec et celle de Chicoutimi : deux poids deux mesures?”

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