Nous sommes le 18 août 1887. Sans tambour ni trompette un nouvel hebdomadaire, le Progrès du Saguenay[1], propriété d’Alphonse Guay, est rédigé et imprimé à Chicoutimi. Les rédacteurs en sont Joseph-Dominique Guay, le frère d’Alphonse, et Louis de Gonzague Belley, leur futur beau-frère.
Le père des frères Guay est nul autre que Johnny (Jean) Guay[2] qui fut « maire de Chicoutimi de 1863 à 1870 et qui est considéré comme l’homme d’affaires le plus prospère de la région après William Price ». Joseph-Dominique deviendra, lui aussi, maire de Chicoutimi, en 1895.
Voici comment on présente ce « nouveau prospectus » sur la deuxième page.
« Après la disparition du “ Réveil du Saguenay ” les comtés de Chicoutimi[3] et Saguenay[4] devaient-ils rester sans organe? Question résolue dans la négative. En conséquence, nous nous sommes mis à l’œuvre de suite, afin de faire paraître, sans plus tarder, une nouvelle publication… Notre journal est né sous l’inspiration d’une idée de progrès et d’avancement ». Je vous en laisse découvrir la suite ( Progrès du Saguenay 82816_1887-08-18 ) ainsi que tous les autres articles imprimés sur 6 colonnes et regroupés sur 4 pages bien remplies. L’abonnement annuel coûtait 1 00 $. Malheureusement on n’en connaît pas le tirage.
Cet hebdomadaire, contre vents et marées, perdurera jusqu’à nos jours et a été une source inestimable de renseignements relatant les événements survenus dans notre région ainsi que ceux, comme vous pourrez le constater, qui se déroulaient partout dans le monde. Ce journal était à la mesure de notre région et confirmait l’importance de Chicoutimi sur l’échiquier national.
Mais les temps ont changé. L’ère de l’électronique a bouleversé les moyens traditionnels de communication. De nouvelles difficultés financières après le sauvetage in extremis effectué par Gaston Vachon en 1973 (incidemment, c’est lui qui a créé le Quotidien) ont entraîné la vente de ces journaux, propriétés d’investisseurs régionaux, à Gesca, propriété de la famille Desmarais qui, en 2015, le cède au Groupe Capital Médias dirigé par Martin Cauchon. C’est le début de la fin. Le Groupe déclare faillite en août 2019 et, en décembre, de la même année, six journaux régionaux deviennent la propriété de la Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i). Afin de survivre, on arrête l’impression du Quotidien et on se met rapidement en mode électronique seulement.
L’histoire de Chicoutimi et celle du Quotidien/Progrès sont intimement liées. Or, il est étonnant, je dirais même inquiétant, de constater que ces journaux ont décidé d’enlever le nom de Chicoutimi dans leur adresse postale que voici[5] :
Le Quotidien
455, Rue de l’Hôtel Dieu
Saguenay, Québec
G7H 1V6
Comment a-t-on pu avoir l’indécence de faire disparaître le nom « Chicoutimi » de cette adresse? Alors que cette entreprise devrait plutôt être fière de son passé et participer à la sauvegarde de notre mémoire collective, elle décide plutôt de faire table rase. Ne vous surprenez donc pas si j’ai annulé mon abonnement qui remonte à plusieurs décennies. Pourtant, même la Ville de Saguenay, utilise le nom Chicoutimi dans son adresse[6] :
Hôtel de ville de Saguenay
201, rue Racine Est, C.P. 8060
Chicoutimi (QC) G7H 5B8
Il en est ainsi pour la majorité des commerces. Même pour la SAQ : À preuve[7] :
SAQ, 1324 Bd Talbot, Chicoutimi, QC G7H 4B8
La direction du Quotidien / Progrès doit revenir sur sa décision
et réinscrire le nom Chicoutimi dans son adresse.
[1] Progrès du Saguenay | BAnQ numérique
[2] Gaston Gagnon, «Guay, Joseph-Dominique», Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval3University of Toronto, 2003, consulté le 24 octobre 2021.
[3] Le comté de Chicoutimi correspondait à la presque totalité de l’actuelle municipalité régionale de comté (MRC) du Fjord-du-Saguenay ainsi qu’aux actuelles MRC de Lac-Saint-Jean-Est, de Maria-Chapdelaine et du Domaine-du-Roy ( Note: et naturellement le territoire des villes fusionnées en 2002). Son chef-lieu était la municipalité de Chicoutimi, Wikipédia.
[4] Le comté de Saguenay correspondait aux actuelles municipalités régionales de comté (MRC) de La Haute-Côte-Nord, de Manicouagan, des Sept-Rivières, de Minganie et du Golfe-du-Saint-Laurent, ainsi qu’une petite partie de celles de Charlevoix-Est et du Fjord-du-Saguenay. Son chef-lieu était la municipalité de Tadoussac, Wikipédia. Note: On constate comment le nom Saguenay s’est promené.
[5] Nous joindre | Le Quotidien – Chicoutimi