Si vous n’êtes pas capables de faire le ménage,

d’autres devront le faire à votre place.

Les zones urbaines représentent 13% du territoire de la Ville de SaguenayÀ la suite de mon intervention[1] à l’Hôtel de ville, le 17 janvier dernier, quelques personnes m’ont demandé pour quelles raisons je proposais aux élus de demander la tutelle au ministère des Affaires municipales. On considérait que les finances de la ville ne justifiaient pas une mise en tutelle. Ils avaient en partie raison. Ce ne sont pas les résultats financiers qui justifient cette demande, c’est la gouvernance. Les résultats financiers ne sont que la conséquence de la mauvaise gouvernance ou de la non-gouvernance du conseil municipal dans plusieurs dossiers qui n’évoluent pas d’un nouveau conseil municipal à l’autre. Est-ce par ignorance, par mauvaise volonté ou par incapacité d’agir? 

C’est l’accumulation de cas tels ceux décrits ci-dessous qui la justifie:

1-  Le choix du nom

Je ne reviendrai pas sur tout le processus bidon de cette consultation. J’attire votre attention sur un seul élément : en point de presse[2], à la sortie d’une réunion tenue le 8 février 2002, le maire Jean Tremblay, a déclaré que les membres nouvellement élus au conseil municipal avaient approuvé, lors d’une réunion d’urgence, que les électeurs auraient à choisir entre les noms « Saguenay » et « Chicoutimi » alors que le comité sur le nom avait proposé en ordre de priorité « Chicoutimi-Jonquière », « Chicoutimi » et loin derrière « Saguenay ».  Or, en 2016, j’ai demandé à la greffière de la ville une copie de cette résolution. Sa réponse : elle ne l’a pas trouvée! Comment les membres d’un conseil municipal ont-ils pu passer sous silence un tel manquement aux règles démocratiques qui entraîne des répercussions permanentes sur l’image de cette ville à moins que le ministère ne corrige la situation? Ce vice intentionnel de forme est un des sept arguments énoncés dans la requête de 600 citoyens pour convaincre le conseil municipal de réfléchir à nouveau sur le nom de la ville, mais sans succès depuis son dépôt en juin 2019 . 

2-  Le nombre de districts par arrondissement

La mairesse actuelle l’a admis lors de sa campagne électorale et a promis de régulariser la situation : il manque un district à Chicoutimi et il y en a un de trop à La Baie. Cela fait plus de vingt ans que cet accroc perdure. Or après plus d’un an à la tête de cette ville, silence radio!

3-  Le schéma d’aménagement urbain

Toute municipalité régionale de comté, dont celle de Saguenay, doit se conformer à la LOI SUR L’AMÉNAGEMENT ET L’URBANISME[3] qui comporte plusieurs obligations dont :

  • « Maintenir en vigueur, en tout temps, un énoncé de sa vision stratégique du développement culturel, économique, environnemental et social de son territoire[4] »
  • « Maintenir en vigueur, en tout temps, un schéma applicable[5] à l’ensemble de son territoire » qui consiste à « déterminer les grandes orientations de l’aménagement du territoire » et « déterminer les grandes affectations du territoire pour les différentes parties de celui-ci » … « déterminer tout périmètre d’urbanisation » …etc.

Or il est navrant de constater que le schéma d’aménagement actuel, même s’il a été révisé il y a peu de temps, n’est qu’un inventaire de ce qui existait avant la fusion et qu’aucune affection du territoire n’a changé. On continue à avoir cinq centres-villes, à encourager des modifications à tour de bras aux règlements de zonage qui aboutissent souvent à un étalement urbain absurde pour une petite population stagnante comme la nôtre, à entretenir quatre bureaux d’information touristique alors qu’on est à l’ère de l’information virtuelle, à multiplier les parcs industriels au fil du lobby des entreprises, etc.. Et je n’ai même pas parler de la vision sur laquelle repose ce schéma. Comment le gouvernement du Québec peut-il accepter un tel schéma?

4-  Le développement économique et Promotion Saguenay, PS

Comment parler de ce dossier en quelques lignes? Essayons!

« Les municipalités et les MRC peuvent intervenir directement en contribuant à divers fonds d’investissements et par divers programmes créés à des fins de développement économique local ou régional[6] » nous précise le MAMH. Et d’ajouter : « Elle peut, dans le but de favoriser son développement économique, établir et exploiter, notamment, un centre de congrès ou un centre de foires, un marché public, un bureau d’information touristique, un embranchement ferroviaire ». On comprend qu’un embranchement ferroviaire pour relier un parc industriel contigüe à une voie ferrée est bien différent d’un embranchement à 13 km de distance, question de jugement.

Voilà! Il n’est pas question dans ce mandat du MAMH d’investir et de gérer des activités touristiques qui ne sont pas des services aux citoyens, d’investir dans des parcs industriels spécialisés avant même qu’un ou des investisseurs n’aient prouvé son intention ferme de s’y installer et de payer pour les services offerts, d’investir dans des services à caractère régional ou national tels Port Saguenay ou encore l’aéroport de Bagotville encore moins de les gérer.  Une ville n’a pas les leviers de taxation requis pour le financement et l’opération de telles infrastructures.

Le mandat de PS devrait être uniquement orienté vers la promotion de la ville et l’aide aux petits entrepreneurs investisseurs. Pour des démarches plus spécifiques,  les leaders qu’on peut identifier dans les différents secteurs économiques  devraient en être les maîtres d’oeuvre. Au plus vite la vente des installations et le transfert des opérations du quai d’escale à des intérêts privés. La gestion de l’aéroport devrait être confiée à un organisme indépendant, de même que les secteurs du  tourisme et du commerce.

Il est évident que les budgets de PM ne se justifient pas. Si on compare l’évolution, depuis 2007, du PIB de la région en hébergement et restauration, à celle de régions comparables on s’aperçoit que ses performances sont nettement inférieures malgré « l’avantage » d’un quai de croisière.

Qu’attendez-vous membres du conseil municipal pour restructurer cet organisme?

5-  La société de transport de Saguenay

Cette ville doit fournir le service de transport en commun à tous les citoyens de son territoire de 1260 km2. Voilà un noble objectif. Le problème réside dans la façon de donner ce service. Les autres villes de 100 000 habitants n’ont pourtant qu’une superficie de 400 km2 mais confinent les « gros autobus » aux zones densément peuplées et utilisent d’autres modes tels les taxibus ou minibus pour couvrir les secteurs éloignés.  D’autres ont signé des ententes avec leurs commissions scolaires pour intégrer le transport scolaire aux routes normales de leur société de transport. Comment se fait-il que les coûts associés à ce service et le nombre anémique de passagers utilisant notre transport en commun ne fasse pas réagir nos élus? 

6-  La rémunération et les avantages sociaux des employés de la Ville

Il est notoire que les municipalités au Québec sont des prodigues en ce qui concerne la rémunération globale de leurs employés.  Sur son site Web[8], la ville de Montréal nous apprend, en consultant son tableau, que la rémunération globale des employés de l’administration municipale est de 38,6 % plus élevée que celle de l’administration provinciale, de 20% à 27 % plus élevée que celle des sociétés d’état, de l’administration fédérale ou du secteur privé syndiqué ». Dans mon livre[9] paru en 2017, je démontre qu’à Saguenay « Les charges sociales coûtent 8,5% de plus qu’ailleurs, soit des charges additionnelles de plus de 7 M$ par année ». « Ailleurs » désigne les villes cibles que sont Sherbrooke, Lévis et Trois-Rivières.  Il suffit de constater la progression salariale de nos policiers pour comprendre que l’inflation n’est pas la cause première de cet écart.  Et ce qui est encore plus dramatique dans notre ville c’est le déficit actuariel des fonds de pension des employés qui est encore de 62 M$ malgré qu’il se soit passé 14 ans depuis la crise de 2008. Avons-nous été informés d’un désir quelconque des administrations qui se sont succédé de nous présenter un plan de redressement, pour au moins, s’aligner avec les autres villes cibles en ce qui concerne la rémunération globale et abaisser à moins de 10 M$ le déficit actuariel?

7 – Conséquence: un taux d’endettement galopant

Une population stagnante, une augmentation anémique de l’évaluation foncière, des déficits annuels d’opération, des investissements hors norme (types d’investissements qu’on ne retrouve pas dans les autres villes) depuis 2008, voilà de quoi assurer un taux d’endettement qui surpassent celui des villes cibles qui voient leur taux demeuré stable ou diminué. Comment allons-nous, dans ces conditions, continuer le programme de rénovation de nos infrastructures de base pour ne nommer que ce seul domaine? Pouvons-nous avoir de l’aide du MAMH pour trouver une solution durable? 

8 – Autres domaines

Chacun d’entre vous peut identifier d’autres domaines qui demanderaient une attention de la part des élus. Avons-nous, entre autres, pris une bonne décision de réaliser les travaux d’évaluation foncière en régie interne plutôt que d’en confier l’exécution à une entreprise privée? Ce département a été créé par l’administration Tremblay et depuis lors nous n’avons pas eu de rapport d’évaluation de la pertinence d’une telle décision. En sera-t-il de même pour la décision récente de réaliser pratiquement tout le déneigement en régie interne?

Il est navrant que certains élus considèrent qu’il n’y a rien à faire et qu’il faut vivre avec les conséquences des décisions antérieures. 

Vous avez identifié d’autres domaines qui exigeraient un ménage, ne vous gênez pas à nous les faire connaître.

[1] Adresse au conseil municipal: une ville dans un cul-de-sac – Jacques Pelletier %

[2] Le Quotidien, 8 février 2002, Les élus de la grande ville tranchent, p. 3

[3] Chapitre A-19.1

[4] Idem, article 2.3

[5] Idem, article 3

[6] Soutien au développement économique – Outils de financement et de maîtrise foncière – Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (gouv.qc.ca)

[8] Ville de Montréal – Régimes de retraites de la ville – Rémunération globale (montreal.qc.ca)

[9] Saguenay sous l’administration Tremblay, Éditions Ichkotimi, 2017, pages 112-113

 

5 réponses pour “La Ville de Saguenay sous tutelle: pour quelle raison?”

  • La mairesse simule de tenir le gouvernail mais ne livre pas sa marchandise. C’est visible.
    Débordée à tribord comme à bâbord elle donne l’impression de naviguer à vue dans l’invisible.
    La priorité de la mairesse? La résurrection du “Carnaval Souvenir”. N’est-ce pas risible.
    Son 1/4 de M$ mis sur la table qui sera le fou bénévole, général en chef de l’impossible?
    3 semaines pour préparer un pareil événement mais Julie a promis cette électorale cible.
    Avec si peu de temps et de bénévoles comment ignorer que l’objectif est inaccessible?
    Elle pourra dite avoir tenu promesse; que les Chicoutimiens n’étaient pas assez sensibles.

  • Les conseillers municipaux reçoivent-ils ce courriel??
    Y a tellement de correctifs à faire, c’est décourageant! Il faut tout repartir à zéro.
    Comme un édifice qui est non conforme à tout point de vue, il faut démolir complètement et reconstruire selon les normes et selon la logique.
    Jimmy Bouchard nous présente dans le Réveil tous ses beaux projets pour son district du lac Kénogami. Il va les réaliser ses projets, c’est lui qui contrôle toute la ville.
    C’est facile de se payer un SKATEPARK et autres parcs quand Chicoutimi paie 47% de la facture, La Baie 13% et Jonquière 40%.

  • Bonjour M. Pelletier
    Votre analyse laisse froid dans le dos. Comment allons-nous sortir de ce marasme de gestion économique, de mauvais budgets électoralistes qui a débuté par de mauvaises décisions lors de la fusion. Peut-être que là ça aurait été important d’embaucher une firme pour évaluer plusieurs scénarios comment réussir une fusion à long terme peut importe si on plaît ou déplaît à certaine personne à l’époque.
    Le tout c’est joué sous le règne Tremblay qui se disait être le roi des maires au QC.
    Aujourd’hui on paie le prix avec une ville en décrépitude et sans argent.
    Merci de nous informer

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