Pour ce 20e ’anniversaire de la fusion de sept municipalités dans le Haut-Saguenay, le Progrès nous présente une courte rétrospective[1] des événements qui s’y sont produits en 2002. Entre autres, à la page 16, dans l’article « Le nom aura plus fait jaser que la fusion », le journal rapporte les commentaires de Mme Harel, alors ministre des Affaires municipales, qui déclare que « le débat entourant la nouvelle entité a été très polarisant ». La journaliste continue en déclarant que contrairement à Jacques Pelletier, elle ne croit pas que c’était à Québec à choisir. « On s’attendait un peu à ce débat. C’était essentiel que ce soit la population qui choisisse et c’est ce qui a été fait par référendum » se remémore Mme Harel.

Grand Dieu, qu’est-ce qu’il ne faut pas lire!

Un référendum? Prise 1

Réglons immédiatement ce que fut le vote populaire des 12, 13 et 14 avril 2002 pour choisir le nom de la ville, soit Saguenay ou Chicoutimi. Ce fut une consultation maison dont les règles ont été établies par l’administration Tremblay et qui n’avait absolument rien à voir avec un référendum contrôlé par le directeur des élections du Québec, le DGEQ, qu’on désigne maintenant du terme « Élections Québec » et qui est soumis à la loi sur les élections et les référendums, LERM[2], entrée en vigueur le 1er janvier 1988. Je vous prie, Madame Harel, de retourner à vos notes.

Ce n’était pas à Québec à choisir? Prise 2

Toutes les entités issues des fusions, au Québec, ont réglé le cas de leur nom bien avant les élections pour choisir le nouveau conseil municipal. Pour la plupart, le nom allait de soi, pour d’autres, comme les entités en Outaouais[3] et en Montérégie[4], il apparaissait, aux instances gouvernementales, que le nom à choisir ne faisait pas l’unanimité dans la collectivité. En Outaouais, le comité de transition a d’abord éliminé le nom Outaouais, et a ajouté les noms de Hull et Gatineau à la liste des noms préférés par sondage. En Montérégie, le comité a soumis, après un sondage, le nom de LeMoyne mais le ministère a conservé le nom Longueuil dans son décret. Dans le cas du Haut-Saguenay, la ministre Harel confie plutôt à Me Pierre Bergeron, le 27 septembre 2000, le mandat « d’examiner certaines questions relatives à la réorganisation municipale… sur le territoire de la MRC du Fjord-du-Saguenay ». C’est sur sa recommandation que la ministre inscrit le nom de Saguenay dans le décret de constitution de la Ville, recommandation sur 8 petites lignes truffées d’arguments farfelus qui laissaient croire à la ministre que le nom Saguenay faisait l’unanimité. Durant tout le reste de l’année 2001, des voix se sont élevées contre cette décision. La Société historique du Saguenay, qui a rencontré la ministre et la Commission de toponymie du Québec, qui a émis un avis non sollicité, se sont prononcées contre le nom Saguenay. Rien de tout cela n’ébranla la décision de la ministre « démocratique ». Le nouveau conseil de ville est donc élu en novembre 2001, sans qu’aucun comité sur le nom ne soit formé. Est-ce cela qu’elle considère un choix de la population?

Un comité formé à la dernière minute! Prise 3

Coup de théâtre, la grogne devenant de plus en plus forte après les élections, le nouveau maire demande au comité de transition de former un comité du nom[5], neuf mois plus tard que dans les autres villes. Mais tenez-vous bien, ce comité n’avait pas pour but de choisir un nom mais plutôt de choisir un mode de consultation pour le choix du nom, la question ‘’naturellement’’ relevant du nouveau maire. Ce comité a toutefois dérogé à son mandat pour proposer trois noms dans cet ordre de préférence: Chicoutimi-Jonquière, Chicoutimi et Saguenay. Le maire n’a même pas attendu de recevoir le rapport et il a décrété que la question porterait uniquement sur Chicoutimi et Saguenay. L’ignorance et l’esprit de clocher ont fait le reste, puisqu’aucune commission indépendante n’est venue éclairer la population sur la valeur toponymique respective des noms Saguenay et Chicoutimi. Les termes incompétence et mauvaise foi de la part de la ministre et du comité de transition ne sont même pas assez forts pour décrire le processus bidon de consultation de l’opinion publique, enveloppé sous une fausse cape de démocratie auquel nous avons assisté. Après tous ces événements burlesques on devient la seule ville issue des fusions au Québec qui ne porte pas le nom d’une des villes fusionnées.

 Je tiens aussi à préciser que lors de notre rencontre avec la ministre des Affaires municipales, Mme Andrée Laforest, le 5 février 2020 (j’étais accompagné de Mme Pauline Brassard), celle-ci jugeait qu’elle ne pouvait possiblement pas agir directement dans ce dossier à cause de la loi de 2016 qui donnait plus de pouvoir aux municipalités. Nous avions convenu de nous rencontrer à nouveau avec des fonctionnaires spécialistes de la question pour en rediscuter. Faut croire que la pandémie a le dos large, cette rencontre se fait toujours attendre. Ce dossier n’est donc pas réglé.

Depuis 10 ans, les témoignages pour dénoncer cette décision sont nombreux. Je pense, entre autres, à l’historien Jacques Lacoursière et à l’ethnologue Serge Bouchard qui se sont prononcés publiquement sur la question. Je pense aussi à l’ex-directeur général Michel Simard du Quotidien ou à l’ex-directeur de Radio-Canada, Monsieur Gagnon qui, privément, m’ont déclaré qu’ils considéraient que cette décision fut une aberration. Lors d’une rencontre à l’Hôtel de Ville avec Mme Josée Néron, qui était accompagnée de deux membres de son cabinet, celle-ci m’a rapporté que lors d’une rencontre avec M. Lucien Bouchard, alors Premier ministre du Québec, ce dernier lui a confié que « cela avait été une erreur de désigner la ville du nom de Saguenay ».

Non, « nous ne lâcherons pas le morceau ». Il y a eu une injustice flagrante qu’il faudra un jour corrigée. Comme l’a si bien dit Mme Catherine Delisle[6], chroniqueuse au Quotidien, « On aura beau dire que le dossier est clos. Il ne l’est pas. Un jour, l’erreur sera corrigée par des élus qui sauront nous rendre fiers de notre héritage ».

[1] Caroline Labrie, Progrès du 12 février 2022, Fusions municipales, 20 ans, pages 14 à 17

[2] Un peu d’histoire – Historique des principales modifications législatives | Élections Québec (electionsquebec.qc.ca)

[3]   Les identités territoriales à Gatineau, 15 ans après la fusion municipale, Louis-Philippe Morin, Thèse de maîtrise soumise à l’intention de la Faculté des études supérieures et postdoctorales dans le cadre des exigences du programme de maîtrise en géographie, Département de géographie, Faculté des Arts, Université d’Ottawa, 4 juillet 2017

[4] Bâtir une ville, Destination Longueuil, Rapport final du Comité de transition de la Ville de Longueuil, Janvier 2002, page 19

[5] Rapport du comité du nom de la nouvelle ville mandaté par le comité de transition, présenté le 30 janvier 2002, page 3

[6] Catherine Delisle, Le nom de la ville : il fallait que Chicoutimi souffre, Le Quotidien, 26 décembre 2011.

 

Un commentaire sur “Madame Harel, avez-vous perdu la mémoire?”

  • Un texte qui montre vraiment toute l’hypocrisie des principaux personnages qui, par ignorance ou par pression
    politique, (Mme Harel) ont contribué à faire de cette ville une ville sans âme et sans identité.
    Jean Tremblay peut bien faire le coq, mais il ne recueillera jamais la faveur d’une majorité de notre population.
    Pourvu qu’on ne pousse pas la bêtise pour lui ériger une plaque souvenir ou un monument.

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