Rappelons-nous l’historique de port Saguenay. Voici un extrait de ce qu’on retrouve sur leur site  Historique (portsaguenay.ca) :

« Les installations maritimes publiques du Saguenay ont évolué selon les grands mouvements structurels et conjoncturels affectant tout particulièrement les industries liées aux ressources naturelles :

  • l’arrivée du chemin de fer à la fin du 19e siècle ;
  • la fermeture de la pulperie de Chicoutimi dans les années vingt ;
  • le remplacement progressif du charbon par les hydrocarbures dans les années quarante, faisant du terminal maritime de Chicoutimi un terminal pétrolier à toutes fins utiles ;
  • le repositionnement progressif des papetières, à compter des années quarante, sur les marchés canadien et américain, amenant une plus grande utilisation du chemin de fer.

Puis, dans les années soixante-dix, des pressions de plus en plus fortes sont exercées sur les autorités portuaires pour relocaliser les réservoirs d’hydrocarbures en dehors du centre-ville de Chicoutimi en raison notamment du manque d’espace d’expansion, des limitations au tonnage des navires et l’incompatibilité avec un centre-ville. La baisse radicale du trafic d’hydrocarbure, à compter de 1981, est précurseur de modifications structurelles importantes dans l’activité maritime ; ainsi, le nouveau terminal maritime de Grande-Anse, inauguré en 1985 et planifié à l’origine comme un parc de réservoirs d’hydrocarbure, voit progressivement son trafic se diversifier avec la pâte de bois, le granit, le charbon, le bois de sciage en plus du sel relocalisé du centre-ville. »

Voici quelques commentaires de Russel Bouchard (pages 335-339 de son livre « Une histoire de la navigation sur le Saguenay) qui nous précisent certains autres éléments » :

« Au début des années soixante-dix…il n’y a plus que les quais Powell et Duncan (Port-Alfred) qui ont voix au chapitre dans la partie du Fjord… Le port de Chicoutimi est pour sa part en plein naufrage! Enlaidi d’un bout à l’autre par d’énormes réservoirs pétroliers tachés de rouille…le bébé de Dubuc (député fédéral 1925-1945) fait peine à voir…Le Conseil des ports nationaux s’est vu confirmer, par un rapport d’expert daté de 1971, les dangers de conflagration en raison de la présence des nombreux réservoirs. »

« L’idée … de déménager la zone portuaire ailleurs, en aval, a fait son chemin » parmi la population de Chicoutimi et de ses élus. On déménage dans un premier temps les compagnies pétrolières vers les nouvelles installations de Pointe-de-l’Islet situées dans le rang Saint-Martin ».

Mais ce n’est pas suffisant et il revient à Marcel Dionne (député fédéral) de porter le flambeau de la construction d’un nouveau port de mer à Grande-Anse pour y « accueillir des navires de 100 000 tonnes et plus en tout temps … et au moins (tenez-vous bien!) 800 conteneurs. ».

Il avait donc été planifié, au départ, pour l’entreposage d’hydrocarbure. On a dû changé sa mission par la force des choses sans se demander s’il convenait à l’entreprosage et à la manutention des produits en vrac et de 800 conteneurs. 

Arrêtons-nous là. Depuis sa réalisation ce port de mer vivote avec des tonnages de quelques centaines de milliers de tonnes annuellement (chargement et déchargement) ce qui ne le classe même pas parmi les dix premiers ports au Québec. Pour palier à la maigre utilisation de ce port on a construit, en 2013, une desserte ferroviaire de 14 km qui n’a pas encore servi et on a pris récemment la décision d’investir des dizaines de millions de dollars pour attirer les investisseurs : allongement du quai, convoyeur multiusage, parc industriel avec services installés sans savoir du tout quels types d’entreprises vont bien vouloir s’y établir.

Jusqu’à maintenant la seule retombée positive de ce projet est la démolition et l’aménagement du vieux port à Chicoutimi. L’endroit est plus sécuritaire, le site est beau et la population peut en profiter à l’année longue.

Pourquoi boude-t-on ce site? C’est un TROU! La voie ferrée s’arrête à 2 km du port dans un parc industriel qui attend encore son premier client et qui est 139 mètres au-dessus du quai de chargement. Sans compter que l’espace disponible au niveau de la rivière est des plus exigus. Jamais une entreprise privée aurait songé à utiliser cette anse – que je désignerais tout au plus une crique – qui ne convient aucunement pour un port de mer.

L’endroit aurait dû être à proximité des quais de Rio Tinto et qui dispose de l’espace nécessaire à ce genre d’activité. Est-ce qu’on voulait à tout prix garder ce port de mer dans le comté de Chicoutimi?

Il est encore temps de faire les analyses appropriées pour prendre une décision réfléchie et non politique à propos du meilleur site. Actuellement on est en train d’alimenter un éléphant blanc.

Le meilleur est à venir clame Port Saguenay dans son rapport annuel de 2014 :

« Le futur s’annonce des plus intéressants pour l’Administration portuaire du Saguenay. En effet, la mise en service de la desserte ferroviaire, le déploiement de la Stratégie Maritime et du Plan Nord et les nombreux projets de développement privés auxquels est associée l’Administration font en sorte que nous serons dans le futur, et plus que jamais, en mesure d’assumer notre rôle de leader en tant que moteur de développement économique régional ».

Admettons que le futur est drôlement loin!

Dans son dernier rapport annuel qui a été publié (2022) Port Saguenay en ajoute :

« Pour le Port de Saguenay, l’année 2022 restera gravée comme l’année d’un virage axé sur la science, le développement des connaissances, l’innovation et sur la consolidation de partenariats solides avec la communauté. Ainsi, la dernière année aura été, pour notre équipe, une année charnière qui permet de jeter les bases de la croissance durable du Port de Saguenay et de sa zone industrialo-portuaire au bénéfice de la diversification économique du Saguenay–Lac-Saint-Jean, mais aussi de tout le Québec. » Vraiment?

Après 10 ans à attendre encore cette fois le Messie n’est-il pas temps de se questionner?

En affaires, le montant déjà investi n’est pas un critère. C’est le rendement de l’argent à investir qui importe. Donc, comparaisons les deux projets : investir dans un port inadéquat ou investir dans un nouvel emplacement. Les usines « à venir » n’ont aucunement besoin d’être à proximité. On peut toujours conserver Grande-Anse pour tout produit liquide (un autre GNL).

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