Sept îlots urbains noyés dans un immense territoire agricole et forestier

En 2002, le gouvernement a forcé la fusion de sept municipalités du Haut-Saguenay (carte ci-contre[1]). Comment, maintenant, arrimer celles-ci dans une vision commune de développement? Regardons ce que chacune d’entre elles apportait en termes de possibilités de développement économique. Un peu d’histoire[2] sera donc utile avant de vraiment aborder le schéma d’aménagement. Voir note[3]

1 – Laterrière – 5 107 h. (en 2001), 3,3 % (% de la population de la ville en 2001)

Développée à partir de 1846, Laterrière est uniquement agricole jusqu’aux années 1950, où se développeront, sur son territoire, des zones de villégiature. La construction, en 1989, d’une usine d’aluminium, rattachée à Chicoutimi par un corridor, amène son lot de travailleurs dont la moitié s’installe dans ce secteur.

2 – Lac-Kénogami – 1 499 h. 1 %

Pendant des millénaires, ce territoire est le passage obligé pour permettre aux autochtones de se rendre à l’intérieur des terres. En 1860, un village se forme, axé sur l’agriculture et l’exploitation de la forêt, qui se consolide par l’implantation de la pulperie de Chicoutimi et des moulins à papier à Jonquière et Kénogami. L’attrait que suscite ce plan d’eau a permis de développer des secteurs de villégiature.

3 – Shipshaw – 2 938 h. 1,9 %

Colonisée depuis 1888, l’implantation d’une scierie et d’une centrale hydroélectrique sur la rivière Shipshaw amorça son développement démographique au début du 20e siècle. En ce début du 21e siècle, elle dépend de Jonquière, où près de la moitié de ses travailleurs migrent quotidiennement.

4 – Canton-Tremblay (partie sud) – 1 952 h. 1,3 %

Créé depuis 1843, ce canton s’adonnait à l’agriculture et à la foresterie. La partie sud s’est jointe à la fusion de 2001 que très tardivement, soit le 11 décembre. Elle  était alors constituée essentiellement de zones résidentielles à proximité de Chicoutimi.

5 – La Baie – Population 20 890 h. 13,7 %

La Baie des Ha!Ha! fut l’endroit où la première cohorte de colons-bûcherons s’installa en 1838 en y développant deux pôles : Grande-Baie et Bagotville. Pendant 80 ans son économie est forestière et agricole. Survient, en 1916, l’ère industrielle, grâce à l’implantation d’une usine de pâte chimique et d’un port de mer par, entre autres, J.-E.-A. Dubuc qui voit à l’érection d’une ville de compagnie, Port-Alfred, pour loger ses employés. À partir de 1925, ALCOA construit son port qui sera utilisé pour le transit des matières premières requises pour ses usines d’Arvida (1926), Laterrière (1989) et Alma (2000), sans oublier, naturellement, la construction d’une usine Alcan dans ses murs en 1980. Ces trois villes se fusionneront en 1975.

6 – Jonquière – 57 013 h. 37,3 %

C’est vers 1850 que s’amorce la vocation agricole de Jonquière, qui assurera son développement jusqu’à l’érection d’une usine de pulpe en 1900. Par la suite, l’histoire de Jonquière se fond à celle de Kénogami, créée en 1912 par William Price III pour installer sa nouvelle usine à papier et ses employés. Une autre ville de compagnie, Arvida, voit le jour dès 1926 et viendra se greffer aux deux villes sœurs. Alcoa y construit un imposant complexe industriel pour la fabrication de l’aluminium. Le petit village de St-Jean-Eudes, fondé en 1951, se fusionne à Arvida en 1970. Tout comme La Baie, ces trois villes se fusionnent en 1975 et dépendent essentiellement de l’industrie.

7 – Chicoutimi – 63 326 h. 41,5 %

Le territoire de Chicoutimi fut, pendant des millénaires, un lieu de séjour, d’échanges et de commerce entre les autochtones de l’intérieur des terres et ceux de la mer. Les Européens y installèrent, en 1676, un poste de traite et une mission catholique, qui perdureront jusqu’en 1856. De 1842 à 1844, deux scieries s’y installèrent. Les gens s’y établirent à proximité (Rivière du Moulin et Chicoutimi) et dès les années 1850, on vit apparaître quantité de commerçants, entrepreneurs et professionnels. Le commerce s’étend à la rive nord du Saguenay. Une nouvelle agglomération, Ste-Anne, prend de l’expansion et se détache de Canton Tremblay en 1893. Au tournant du 19e siècle, l’ère industrielle s’installe au Saguenay avec la construction de la pulperie de Chicoutimi, dont la vie sera cependant de courte durée (1898-1930). Grâce à sa position géographique stratégique, Chicoutimi devient rapidement le centre institutionnel, commercial et financier de toute la région.

En résumé, cette nouvelle ville est constituée d’une ville-centre, Chicoutimi, prolongée par quatre agglomérations industrielles, Jonquière, Kénogami, Arvida, La Baie et ceinturée de quatre municipalités rurales, Laterrière, Lac-Kénogami, Shipshaw et Canton Tremblay. Industries, commerces, institutions, villégiature, agriculture et forêt assuraient à leurs citoyens, heureux dans leur petit patelin, une qualité de vie, sinon exceptionnelle, du moins des plus enviables.

C’était en 2001!

Certains diront que ces agglomérations étaient complémentaires et qu’on a eu raison de les fusionner. C’est donc dire que plus on élargit notre périmètre plus on en profite?  Le hic, il y a un prix à payer pour cela et une ville a-t-elle les leviers fiscaux d’un gouvernement provincial pour gérer cette diversité? On aura l’occasion de revenir sur le sujet.

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[1] Le montage de la carte ci-contre est basé sur la carte 5-1, page 5-4 du SADR

[2] L’information provient de plus d’une dizaine de sources.

[3] Les chiffres correspondent à ceux utilisés pour numéroter chaque ancienne municipalité.

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