Dans les deux chroniques précédentes, il est démontré, en se basant sur les rapports financiers disponibles des années précédentes, que la Ville de Saguenay était dans une position de faiblesse quant à sa capacité de couvrir ses charges annuelles et de rembourser ses dettes et que par conséquent, il reste très peu de marge de manœuvre. Mais comment se présente ce budget 2022 dont vous pouvez prendre connaissance en suivant ce lien : Budget 2022 (saguenay.ca)? Un condensé des revenus et des dépenses vous est présenté à l’Annexe A ci-dessous[1].

Constatations

Somme toute, ce budget est plutôt conservateur et en ligne avec les années précédentes. Notons ce qui toutefois le distingue :

  • Revenus– Vous pouvez constater qu’on a effectivement gelé à 218 595 200 M$ (ligne 1 en jaune) les revenus provenant de la taxe sur la valeur foncière. L’augmentation pour les autres postes de revenus est négligeable.
  • Charges – On devrait donc s’attendre à un gel des charges par rapport à l’année 2021 puisqu’il n’y a pas de revenus additionnels. C’est effectivement ce qui se produit (ligne 33). Toutefois permettez-moi certaines réserves.
  • Rémunération – Dans un autre tableau du Budget 2022[2] qui présente les charges ventilées autrement, la rémunération totale de tout le personnel augmente de 1,5%, ce qui est nettement insuffisant si on tient compte du taux d’inflation anticipé[3] de 3% auquel il faut ajouter les augmentations de salaire dues à la progression dans l’échelle salariale d’une bonne partie des employés. Anticipe-t-on profiter de l’attrition ou des réductions de temps supplémentaires, de personnel ou de fonctions? On n’en sait rien d’autres que ce qu’on peut déduire de la déclaration de la mairesse qui parle « d’un contrôle rigoureux des dépenses de l’administration municipale[4] ». On sait toutefois que la « machine municipale » est longue à réagir à de telles mesures et ce n’est que l’année suivante que les effets se font sentir, particulièrement lorsqu’il faut payer des primes de séparation. Il ne faut pas oublier que c’est une année particulièrement chargée pour le renouvellement des conventions collectives. Une hausse additionnelle de 1,5 M$ serait plus réaliste.
  • Charges sociales – On anticipe une baisse de 2,5 M$. La seule façon de réaliser cette économie c’est de diminuer le renflouement des régimes déficitaires de retraites. Cela ne fait que pelleter par en avant des charges qu’il faudra éventuellement payer. Il est évident que la Ville ne pourra jamais combler le déficit actuariel des régimes de retraite sans que les employés et la Ville n’y injectent des fonds. On devrait plutôt considérer une hausse de 6 M$ pour tenter de diminuer la dette actuarielle.
  • Frais de financement – Cette fonction regroupe les charges relatives aux coûts du financement des activités municipales. Ce sont essentiellement les frais d’intérêts et autres frais tels, entre autres, les frais d’émission, les frais d’escompte, les pertes (gain) de change constatées lors du remboursement ou les frais de refinancement. Il se peut que les taux de change aident à économiser sur ce poste, comme il se peut que les prochains (re)financements soient à des taux d’intérêt plus élevés. Il aurait été plus conservateur de maintenir le budget de 2021 soit 21 M$. À titre comparatif les frais de financement, en 2020, étaient de 20 M$ à Saguenay, 13 M$ à Lévis, de 19 M$ à Sherbrooke et de 12 M$ à Trois-Rivières.

Un budget, pour être réaliste, doit refléter l’organisation au moment où on le prépare. Toute anticipation est dangereuse et doit être appuyée par des actions concrètes et planifiées, donc effectives dès le tout début de l’année. Or dans ce budget 2022, les raisons des écarts se limitent à quelques mots sans plus d’explications. De plus, il nous est présenté sous forme d’un simple Powerpoint, dans lequel on utilise, à titre comparatif, soit le budget 2021 ou soit les résultats anticipés pour 2021 ce qui apporte de la confusion.

On constate donc que ce budget aurait dû compter sur une augmentation du compte de taxes similaires aux villes cibles.

Malheureusement il est déjà approuvé. Comme par le passé, on met les citoyens devant le fait accompli. Est-ce que tous les membres du conseil municipal ont eu droit à une présentation détaillée? Ont-ils pu donner leur avis et proposer des modifications ou ont-ils dû approuver en bloc ce budget préparé par le comité exécutif, assisté d’un certain nombre de fonctionnaires, le 7 décembre 2021 et qui, dans un premier temps[5], « recommande l’adoption du projet du cadre budgétaire 2022 présenté par la trésorière, représentant 371 903 035 $ » et, dans un deuxième temps[6], « recommande l’adoption du programme triennal des immobilisations 2022-2023-2024 pour des investissements de l’ordre de 57 675 140 M$ pour l’année 2022, mais pouvant atteindre un maximum de 70 000 000 M$, selon les priorités du conseil municipal en cours d’année ».

On connaît la suite, le budget 2022[7] a été adopté avec 4 voix dissidentes le 20 décembre 2021 (VS-CM-2021-645) et le plan triennal adopté à l’unanimité lors de la même séance (VS-CM-2021-646). Il est intéressant de constater que cette séance a été tenue par téléconférence, qu’elle n’a duré que 48 minutes et qu’aucun conseiller n’est intervenu lors de la période qui leur est réservée à la fin de la rencontre. La routine quoi! Des élections en novembre ne favorisent pas une préparation réfléchie du budget lorsqu’il s’agit d’une nouvelle administration.

J’attire toutefois votre attention sur le fait qu’en soustrayant les dépenses (ligne 33) des revenus (ligne 12), on se retrouve avec un surplus de 48 027 265 M$. Mais attention, il manque une charge importante, soit l’AMORTISSEMENT DES IMMOBILISATIONS dont toute entreprise tient compte. En ajoutant les amortissements (ligne 32) on constate un déficit de fonctionnement de près de 27 M$ (S13, ligne 3), soit ce qui se produit année après année. Comment la Ville traite ce « problème »? C’est ce que nous verrons dans la prochaine chronique.

Annexe A

Budget 2022, Saguenay, Revenus et dépenses budgétés

[1] Ce tableau est un condensé des données qui apparaissent aux pages 9 (revenus) et 11 (section dépenses seulement). D’autres renseignements proviennent de la page 13 (principaux écarts) et de la page 15 (dépenses par objet).

[2] Dépenses par objet, Page 15

[3] https://www.lesaffaires.com/bourse/nouvelles-economiques/2022-sera-marquee-par-la-croissance-et-l-inflation-selon-mackenzie/629734 « Placements Mackenzie estime qu’il sera à 3% pour 2022 ».

[4] Budget 2022, page 3

[5] Procès-verbal de la séance extraordinaire du comité exécutif de la Ville de Saguenay tenue dans le salon de la mairesse, le 7 décembre 2021, résolution VS-CE-2021-1023, Recommandation – Budget 2022.

[6] Idem, résolution VS-CE-2021-1024, Recommandation – Programme triennal des immobilisations 2022-2023-2024

[7] Procès-verbal de la séance extraordinaire du conseil municipal de la Ville de Saguenay tenue par téléconférence dans la salle des délibérations de l’hôtel de ville de l’arrondissement de Chicoutimi, le 20 décembre 2021.

5 réponses pour “Un budget conservateur mais trop optimiste”

  • Ce budget est conservateur en ce qu’il diminue l’impôt foncier en gelant les taxes.
    Ce faisant la dette monte et ça pellte en avant une faille à rendre les jeunes furaxes.
    Il y a qqchose de révoltant à voir des élus aussi irresponsables dévier ainsi de l’axe.
    Celui voulant qu’un budget déficitaire exige un
    gain sinon sur les coûts tu relaxes.

  • Merci Jacques pour cette démonstration à l’effet que la Ville vient de nouveau passer à la position « R » du sélecteur de vitesses pour « Reculer ».
    Le récent comparatif de l’INSPQ entre les villes centres me rappelle que le gel de taxes ne constitue en rien un facteur attractif pour faire virer la tendance démographique. Mais, comme il s’agit d’un facteur électif, le nouveau Conseil y a recours.
    La marmotte quoi.

  • Bonjour, Plusieurs citoyens sont contre le principe utilisateurs-payeurs. Il y a 2 ans, j’avais dit à Marc Bouchard mon désir de payer un droit de marcher pour le parc de la rivière Langevin car il publiait au même moment le coût de l’entretien et du développement de ce parc. Là, on parle du soccer dôme qui exige des montants importants. Lorsqu’on va faire du ski au Valinouet, on paie un droit de skier. Pour moi, c’est la même chose. Je sais que ce sont des sommes ridicules mais tout de même, ça génère des petits.

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