Si ce n’est déjà fait, veuillez lire l’avant-propos.

Voici ce que déclarait, en mars 1999, M. Denis Bédard, président de la Commission sur les finances et la fiscalité locales lorsqu’il aborde la question de la refonte des structures locales, ou si vous voulez, les regroupements de municipalités :

« On peut cependant s’interroger sur la capacité des fusions à engendrer des économies. Diverses études démontrent, d’une part, que les dépenses per capita tendent à augmenter après une fusion, car la quantité et la qualité des services ont tendance à s’ajuster au plus haut commun dénominateur et, d’autre part, que l’effet sur les coûts unitaires de production, c’est-à-dire sur l’efficience, est incertain; certaines économies d’échelle sont en effet possibles, mais des unités de services trop importantes peuvent donner l’effet inverse. Les avantages des fusions doivent plutôt être recherchés du côté d’une meilleure répartition du fardeau fiscal, d’une réduction de la concurrence intermunicipale inefficiente et de la création d’une plus grande synergie. »

Comme regroupement municipal, M. Bédard recommande:

« Que le gouvernement fasse obligation aux municipalités des quatre territoires constituant les agglomérations de Trois-Rivières, de Sherbrooke, de Chicoutimi-Jonquière et de l’Outaouais, de choisir …entre les deux options suivantes :

– le maintien du découpage actuel des municipalités locales, assorti d’un transfert majeur de responsabilités à l’instance supramunicipale dont le territoire inclut l’agglomération ; ou

– le regroupement en une seule municipalité des municipalités locales de l’agglomération ou du centre urbanisé de celle-ci, assorti d’un transfert de responsabilités moindre à l’instance supramunicipale ».

Dans le livre blanc de la ministre Harel, « La réorganisation municipale », publié en 2000 et qui est la suite du précédent rapport Bédard, on remarque que la ministre est particulièrement préoccupée par l’étalement urbain qui se produit autour de Montréal et dans l’Outaouais. Nous savons que la ministre a choisi l’option B soit des fusions partout en province. 

Pour la ville issue des fusions dans le haut-Saguenay, peut-on constater :

  • que le fardeau fiscal a été mieux réparti? Oui, mais les services le sont-ils ou le sont-ils trop? Par exemple, le service de transport en commun qui n’est pas adapté à l’achalandage.
  • que la concurrence intermunicipale a été réduite? Non. Les centres-villes sont aussi nombreux, le tiraillage pour la localisation de services municipaux ou provinciaux se poursuit. Ti-Jean dit oui, Ti-Paul dit non comme dans le cas de la revitalisation de la zone ferroviaire à Chicoutimi. La représentativité électorale n’est toujours pas réglée, affaiblissant l’arrondissement de Chicoutimi au profit des deux autres et l’esprit de clocher (qu’un certain sociologue réputé nomme « sentiment identitaire »), qui est toujours aussi vif, y est pour quelque chose. Un parti politique municipal qui se dit démocratique n’intervient même pas pour un septième district à Chicoutimi pour probablement protéger son électorat à Jonquière.
  • qu’il y a une plus grande synergie? Non. La multiplication des bureaux de tourisme et des grosses bibliothèques en sont des exemples. Des millions de dollars dépensés dans Promotion Saguenay pour des résultats plus que mitigés. Dites-moi quelle synergie retrouve-t-on entre la Ville et les différents intervenants de développement que sont les universités, les cégeps, les manufacturiers, les autres municipalités et paliers gouvernementaux? 
  • que l’étalement urbain a été jugulé? Non c’est pire qu’avant. Les « développeurs de quartiers » s’en donnent à cœur joie. Les élus veulent à tout prix occuper tout le territoire. Le schéma d’aménagement deux fois « révisé » n’est encore qu’une copie du schéma précédant la fusion.
  • que nous avons choisi le bon type de regroupement? Non, la preuve vous en sera faite ci-dessous.

Mais qu’est-ce donc qu’une ville? Pour certains[1], « l’urbanité est caractérisée par un maximum d’interactions sociales, et s’affaiblit selon un gradient centre-périphérie. La ville est alors l’association de la densité et de la diversité: deux caractéristiques qu’on rencontre certes dans les espaces ruraux, mais rarement réunies et rarement autant qu’en ville ».

D’autres la décrivent[2] comme « un point d’articulation privilégié entre un espace densifié, différencié et limité dans son étendue, et une population agrégée, hétéroclite, spécialisée. Elle est un lieu de confrontation entre de multiples acteurs de la vie sociale et une matérialité donnée, instituée, formalisée ».

En France, une ville correspond à ce que l’INSEE[3] dénomme une unité urbaine. Celle-ci est identifiée à partir de deux critères : 1- la continuité du bâti, et 2- le nombre d’habitants. Ainsi, « une unité urbaine est définie comme une commune ou un ensemble de communes qui présente une zone de bâti continu – il ne doit pas exister de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions – comptant au moins 2 000 habitants ».

L’image qui ci-contre illustre très bien l’incongruité de la fusion.

Dans une étude récente[4] on constate que « dans la plupart des cas étudiés, les résultats montrent toutefois que les fusions municipales n’arrivent pas à générer les retombées attendues »…que « les fusions peuvent contribuer à réduire les dépenses administratives, mais qu’elles n’ont généralement aucun impact sur les dépenses totales »…que « la plupart des autres études échouent à montrer l’existence d’économies d’échelle ou des gains d’efficience »…que « la plupart des études échouent également à montrer une variation dans la qualité des services offerts suite aux fusions »…que « plusieurs études suggèrent même que c’est la fragmentation, plutôt que les fusions, qui stimulerait la croissance économique (Stansel 2005; Grassmueck et Shields 2010). Sur le plan de la coordination des enjeux d’aménagement, Jepson Jr. (2008) ne trouve aucune relation significative entre les fusions et l’étalement urbain, la vitalité du centre-ville ou la densification du développement immobilier ».

Alors, que fait-on d’une ville dont seulement 13 % de son territoire est urbain (voir les zones rouges sur la carte). Cette ville ne rencontre aucun des critères que nous venons d’énumérer. Que fait-on d’une ville qui a cinq centres-villes? Où il existe des coupures de plusieurs kilomètres si on ne tient pas compte des habitations éparses le long des rangs et qui a un territoire trois fois plus grand que celui de n’importe laquelle autre grande ville au Québec. Poser la question c’est y répondre : on défusionne ou on recherche, s’il en est, un autre regroupement urbain plus approprié.

Il est essentiel que la population réagisse et réclame une enquête à ce sujet. C’est inexact de déclarer qu’il est trop tard pour se remettre en selle. Des entreprises qui ont un chiffre d’affaires de plusieurs milliards de dollars remettent régulièrement en question leur modèle d’affaires.

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Pour la suite, vous diriger vers le tableau 2

[1] Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés. Belin, 2013 (1e éd. 2003), p. 1078–1081.

[2] Des définitions de la ville | Cairn.info (Voir dernier paragraphe de cet article)

[3] Accueil – Insee – Institut national de la statistique et des études économiques

[4] 2020RP-13.pdf (cirano.qc.ca), page 34

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